Racismes, vulnérabilités, subjectivités politiques : le cas ethnographique des migrant e s de l’Afrique de l’Ouest

Khaoula Matri, 7 décembre 2023

Mise à jour du projet

Ce projet s'inscrit dans une démarche de recherche combinant la production de données scientifiques, la formation et l'action pour la promotion des droits des migrants, à travers des supports artistiques. Il examine la question du racisme dans le contexte migratoire sud-sud, en mettant la focale sur les violences systémiques et la racialisation des Subsahariennes. Le programme vise à éclairer la problématique de la violence raciale en multipliant les formats : rapport scientifique, texte littéraire et film documentaire. L’objectif ultime est de suggérer des éléments de réponse à un
« problème social » complexe. Nous partons de la réalité sociale et politique de l'immigration pour décrire et comprendre la gestion et le contrôle de la mobilité des Subsaharien·ne·s, depuis la Tunisie. Nous nous penchons sur des séquences spécifiques de la discrimination raciale, qu’elles soient quotidiennes, politiques ou frontalières.

En effet, nous examinons la question du racisme à travers le prisme des systèmes d’oppression, d’inégalité et d’injustice qui se chevauchent, et les modalités de résistance employées par les victimes. La problématique générale questionne le racisme à la lumière des violences subies par les Noir·e·s, notamment les ressortissant·e·s de l’Afrique de l’Ouest. À partir d’une démarche ethnographique, nous avons mobilisé observations directes et entretiens approfondis et multi-situés auprès des interlocuteur·trice·s concerné·e·s par l’im-mobilité et les violences racistes : migrant·e·s, organismes et associations, militant·e·s et Tunisien·ne·s. L’enquête de terrain, réalisée entre juin et octobre 2023, couvre quatre villes de Tunisie : le Grand Tunis, Sfax, Zarzis et Médenine. La collecte des données a inclus à la fois des observations effectuées sur les lieux de vie et de travail des migrant·e·s, et des interviews collectifs et individuels. Au total, 86 entretiens et trois focus group ont été réalisés, dont 56 auprès des migrant·e·s. Treize nationalités sont représentées dans notre étude, en plus de la nationalité tunisienne.

Sfax, Tunisie, juillet 2023 credit: Khaoula Matri
Sfax, Tunisie, juillet 2023 credit: Khaoula Matri

Dans une optique de production de savoir par le bas, à partir d’une échelle microsociologique, nous avons privilégié le point de vue des sujets afin de comprendre leurs attitudes, perceptions, ressentis et stratégies à la lumière d’un contexte changeant et mouvant. L’analyse vise à croiser les regards des différents acteur·rice·s : les migrant·e·s en tant que sujets victimes de racisme ; les Tunisien·e·s en tant que représentant·e·s de la société d’accueil ; enfin, les organismes humanitaires et les associations comme structures de soutien et de promotion des droits des immigré·e·s et des personnes déplacées.

Plusieurs théories sont mobilisées pour appréhender un tel phénomène, comme celles qui découlent des études postcoloniales, de genre et de frontières. Ainsi, nous tenons compte de l’imbrication des modalités d’oppression et des catégories d’hiérarchisation. Les résultats de l’enquête seront structurés autour des représentations de violences racistes, les formes de vulnérabilité dans le contexte migratoire ainsi que les modalités de résistance, individuelle et collective. Dans un premier temps, nous examinerons les représentations du racisme à travers les perceptions des Tunisien·ne·s et des Subsaharien·ne·s de différents statut (étudiant·e·s, sans-papiers, travailleur·euse·s, demandeur·euse·s d’asile et réfugié·e·s). Nous mettrons l’accent sur leur vécu pour décrire et déconstruire les dispositifs de discrimination dans les différentes sphères de la vie sociale. Dans un second temps, nous analyserons la question de la vulnérabilité dans un contexte social et politique marqué l’intensification sécuritaire des flux migratoires, au niveau national et international. La dernière partie rassemblera les réponses humanitaires et institutionnelles face à la précarité ascendante des migrant·e·s, et les stratégies/modalités de résistance individuelle et collective.

La deuxième phase du projet s’articule autour de livrables artistiques : un documentaire, qui retrace les espaces et les objets de violence, et un livre littéraire inspiré des récits et des histoires de vie des migrant·e·s.

23 février 2024 16:17

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